Plus tard, il n’y a vraiment pas longtemps, on m’a rappelé l’existence de certaines zones que nous avons dans les Olirnes de toutes les métacultures. Il s’agit des espaces qui ressemblent à des steppes vallonnées : ceux, dont les nœuds karmiques sont dénoués, mais dont l’âme est trop étroite et exiguë, parce que ces personnes étaient repliées sur elles-mêmes, passent un certain temps là-bas. Maintenant, parmi les collines translucides et calmes, sous un ciel magnifique, rien ne les empêche de compenser ce détriment, en accueillant les rayons du cosmos et en poussant vers l’extérieur les limites de leur Moi Supérieur. On m’a parlé aussi des zones d’Olirne qui ressemblaient aux pays montagneux : là-bas, dans les vallées, travaillent les personnes qui ont adopté la foi – ou plutôt, qui sont arrivées à ressentir le monde de l’au-delà – seulement après la mort. Elles y contemplent les sommets de montagnes, seulement pas comme nous les percevons, mais dans leur gloire spirituelle. Les esprits puissants qui règnent là-bas font couler les flux de leurs forces dans ceux qui les contemplent. Et les capacités de l’âme paralysée par l’incrédulité, s’ouvrent pendant des jours et des années de la contemplation franche de l’univers multicouche et de la grandeur solennelle d’autres mondes. Mais je n’en ai pas gardé les souvenirs plus précis, peut-être parce que j’y étais en tant qu’invité, et la source de cette information ne m’inspire pas la confiance absolue que cette information n’a pas été simplifiée pour mieux la comprendre et, par conséquent, déformée.
A part que je communiquais avec les gens et profitais de la nature, je passais mon temps à travailler sur mon corps : il fallait le préparer au changement, puisque le chemin de l’Olirne dans d’autres mondes supérieurs se fait non pas à travers la mort, mais par la transmutation. Et j’ai compris, que les versets d’Evangile sur l’Ascension de Jésus Christ font allusion à une idée analogue. La résurrection d’entre les morts a modifié la nature de Son corps physique, et à Son ascension de l’Olirne, Il s’est transformé encore une fois, ainsi que Son corps éthérique. Moi et les autres, nous devrions subir seulement une seule transformation – celle du corps éthérique ; c’est une métamorphose qui ressemble à celle vue par les apôtres, qui avaient le pouvoir de voir le monde d’Olirne, mais pas encore les mondes situés plus haut. Et comment les évangélistes pouvaient-ils exprimer le passage du Messie de l’Olirne dans ces mondes-là, sinon Son ascension dans le ciel ? Et moi, élevé alors dans un strict brahmanisme, je commençai à comprendre à quel point le mythe chrétien était plein de vérité étrange et inépuisable pour moi.
Et l’image du grand traitre, que je percevais jusqu’alors seulement comme une légende, est devenu réelle pour moi : j’ai appris qu’il demeurait ici, dans les mers d’Olirne, dans la profonde solitude, sur une île déserte. Son chemin à travers la tourmente avait duré plus de seize siècles. Alourdi par de son karma, unique dans sa gravité, il fut précipité dans le plus profond des tourments, que personne ne jamais connut ni avant, ni après. Il fut ensuite remonté de là-bas par Celui, Qu’il avait trahi sur terre, mais seulement après que le Trahi eut atteint dans l’au-delà une telle force spirituelle incroyable qu’il fallait et que personne n’eut jamais atteint avant Lui dans Chadanakar. Tiré vers le haut par les forces de la Lumière à travers les escaliers des purgatoires, lui, qui avait expié sa trahison, atteignit enfin l’Olirne. Il ne communiquait pas encore avec ses habitants ; il se préparait sur son île à l’ascension suivante. J’ai vu cette île de loin : elle était sévère ; au milieu, on voyait un amas bizarre de rochers, dont les sommets étaient tous penchés sur un côté. Les sommets étaient pointus, et la couleur des rochers était très sombre, par moments noire. Mais Judas lui-même ne se faisait voir par personne dans l’Olirne : ce que l’on voyait, c’était la lueur de ses prières au-dessus de l’île pendant les nuits. Dans le futur, lorsque dans Enrof il y aura le règne de celui que l’on nomme antéchrist, Judas acceptera une grande mission des mains du Trahi, il naîtra encore une fois sur terre, accomplira cette mission et mourra en martyrs de la main du prince des Ténèbres.
Par contre, je ne pourrais pas décrire les activités qui m’ont aidé à arriver à ma propre transmutation et ce qui arrivait à mon corps à ce moment. Ce dont je peux me rappeler maintenant, c’est ce qui s’est manifesté alors devant mes yeux : il y avait beaucoup de gens, peut-être des centaines de personnes, qui sont venus me dire au revoir avant que je continue mon chemin ascendant. Parvenir à la transmutation dans l’Olirne est toujours la joie pour les autres aussi ; cet événement s’accompagne d’une ambiance solennelle, légère et heureuse. Evidemment, cet événement se passait pendant la journée, sur une hauteur qui ressemblait à une colline, et, comme tout dans l’Olirne indienne, en plein air. Je me souviens des rangs des visages humains tournés vers moi, qui devenaient de plus en plus brumeux et, je dirais, un peu s’éloignaient dans l’espace ; ou apparemment, c’était plutôt moi-même qui m’éloignais d’eux, en m’élevant au-dessus de la terre. Au-dessus de l’horizon, je percevais la crête, toujours semi-transparente, comme si elle était faite de la chrysolithe, et soudain j’ai aperçu que les montagnes émettaient une lueur extraordinaire. Les arcs-en-ciel scintillants se sont lancés en se croisant à travers le ciel ; les astres épatants de couleurs différentes sont apparus au zénith, et le magnifique soleil ne pouvait pas les surpasser. Je me rappelle d’un sentiment de beauté à couper le souffle, de la joie incomparable à rien au monde et de l’émerveillement. Mais lorsque j’ai dirigé mon regard vers le bas, j’ai vu que la foule qui m’accompagnait avait disparu, le paysage entier avait changé complètement, et j’ai compris, que l’instant de ma transition dans la couche supérieure était déjà révolu.
Je fus averti que dans la couche suivante, je ne resterais pas longtemps, car tout le monde la traversait en quelques heures seulement, mais pendant ces heures, cette couche, dont le nom est Faér, serait entièrement saisie d’allégresse en mon honneur, car j’avais réussi à l’atteindre. C’est une grande fête destinée à toute âme ascendante – et non seulement aux âmes humaines, mais aussi à celles d’autres monades de Chadanakar qui gravissent les marches de l’Illumination, et même à celles des animaux supérieurs. En quelque sorte, le Faér est la fin du trajet : après lui, les incarnations dans Enrof peuvent encore avoir lieu, mais dotées d’une certaine mission. Par la suite, les chutes, la révolte ne sont pas exclues, ainsi que la trahison de Dieu profondément consciente et, donc, plus grave, mais plus jamais il ne sera possible d’avoir une rechute aveugle. Et ce qui sera exclue à jamais, c’est la paralysie de la conscience spirituelle, qui se manifestait chez les esprits humains à des moments divers d’Enrof, qui changeait ses visages, ses couleurs et ses noms, et à notre époque principalement se détermine comme matérialisme.
Si l’on cherche parmi tous les phénomènes que nous connaissons une analogie même éloignée à ce que l’on voit dans le Faér, nous ne pourrons nous arrêter que sur les illuminations festives. Faut-il dire que les plus beaux éclairages d’Enrof contre le Faér ne sont que quelques ampoules par rapport à la constellation d’Orion.
J’y ai vu beaucoup d’êtres dans leurs apparences doublement et triplement éclairées : ils étaient venus des couches supérieures, guidés par le sentiment de réjouissance réciproque. Le sentiment de réjouissance réciproque est propre aux entités dont le degré et la force d’illumination sont incomparablement plus importants que les nôtres ; chaque âme ayant atteint le Faér génère ce sentiment jubilatoire chez les millions de ceux qui l’ont déjà passé auparavant. Comment décrire l’état qui m’a saisi, quand j’ai vu les foules d’illuminés se réjouir parce que moi, le piètre moi, j’avais atteint ce monde ? – Ce n’était pas la gratitude, ni la confusion de joie, ni même le choc –, ça ressemblait plutôt à un frémissement béat, lorsque les mortels d’Enrof s’adonnent aux larmes irrésistibles et silencieuses.
Je ne me rappelle pas les minutes, ni les formes de la transition dans la couche suivante. L’expérience extraordinaire du Faér a provoqué un épuisement profond et une sorte de ramollissement de tous les tissus de mon âme. Et tout ce que je peux rétablir de ce que j’ai vécu sur une autre étape de la montée, est réduit à un seul état d’âme, mais qui durait très longtemps, peut-être même des années entières.
Le repos radieux. N’est-ce pas une collocation contradictoire, semblerait-il ? Avec l’abondance de la lumière, nous associons l’idée de l’activité et non pas celle de la détente, l’idée du mouvement et non pas celle du repos. Mais ça, c’est chez nous, dans Enrof. Ce n’est pas comme cela ailleurs. Et même le mot « radieux » n’est pas si précis qu’on le voudrait. Parce que la lumière du Nertis est radiante et en même temps incroyablement douce ; il y a la tendresse fascinante de nos nuits de pleine lune combinée avec la légèreté éclatante des cieux élevés du printemps. Comme si j’étais bercé par quelque chose qui était encore plus tendre qu’une musique la plus douce, je me dissolvais dans un assoupissement heureux, comme un enfant, qui, après de nombreux mois d’injures, de souffrances et d’amertume non méritée, était bercé sur les genoux de sa maman. La douceur féminine était partout, même dans l’air, mais avec une chaleur particulière, elle émanait de ceux qui m’entouraient, comme s’ils prenaient soin avec amour inépuisable d’un malade fatigué. C’était ceux, qui sont montés avant moi dans les couches encore plus supérieures, et qui descendaient dans le Nertis pour les êtres comme moi avec le but de la créativité de la douceur, de l’amour et du bonheur.
Le Nertis est le pays du grand repos. Sans me rendre compte, sans le percevoir et sans aucun effort de ma part, seulement grâce au travail de mes amis du cœur, mon corps éthérique lentement s’est métamorphosé ici ; il est devenu de plus en plus léger, tout imprégné de l’esprit et plus obéissant à ma volonté. C’est dans le Nertis que notre corps devient ce qu’il est dans les zatomis – les pays célestes des métacultures. Et si quelqu’un de mes proches d’Enrof pouvait me voir, il m’aurait reconnu, il aurait saisi les ressemblances inexplicables de ma nouvelle apparence et de celle qu’il connaissait, mais il aurait été remué jusqu’aux profondeurs de son cœur par la luminosité surnaturelle de celui qui a été transformé.
Qu’est-ce qui est resté de l’ancien moi ? Les traits de visage ? - Oui, mais maintenant, ils s’illuminaient par la jeunesse sublime et éternelle. – Les organes du corps ? - Oui, mais mes tempes ont été ornées de deux fleurs rayonnantes bleu tendre – c’étaient les organes de l’ouïe spirituelle. Le front semblait être orné d’une pierre magique scintillante – c’était un organe de la vision spirituelle. L’organe de la mémoire fossile, qui se trouvait dans le cerveau, restait invisible. Il en va de même pour le changement qui touchait les organes internes du corps, puisque tout ce qui était avant adapté aux fonctions d’alimentation et de reproduction, a été réduit ou changé radicalement et adapté à des nouvelles fonctions. L’alimentation est devenue semblable à la respiration, et le renouvellement des forces vitales se faisait grâce à l’assimilation du rayonnement lumineux des élémentaux. Quant à la reproduction, telle qu’on la comprend, il n’y en a pas dans aucun des mondes d’ordre ascendant. Il y a autre chose, et j’en parlerai dans le chapitre sur la Russie Céleste.