Parmi les couches aux significations et aux matières différentes qui composent Chadanakar, il y a quatre sakouales associées à ce que nous appelons les éléments de la Nature. Associées comment ? À travers quoi ?
Nous touchons ici à une thèse qui est assez difficile à développer. Le problème est que si l’on considère une certaine zone du monde tridimensionnel, englobant, disons, les sommets enneigés des montagnes – ces pics, constitués de gneiss, de granit et d'autres roches qui sont recouverts de névé et de glaciers –, le sens et la signification de cette zone dépassent largement ce qui est perçu par nos cinq sens. Cette zone tridimensionnelle s'avère être comme un hémisphère, corrélé à une autre zone – un autre hémisphère au nombre différent de coordonnées spatiales. Les crêtes enneigées, sans vie, sans abri et stériles dans leur splendeur morte ne sont qu'un des deux hémisphères, ou couches, étroitement liés en un système. L’autre hémisphère, ou, plus précisément, son autre couche, a les dimensions différentes. Cette couche est le pays des esprits incarnés d'une immense grandeur, comme des rois des cimes enneigées. Elle s’appelle Orliontane. Le fait que l’Orliontane transparaît à travers la croûte tridimensionnelle suscite cette impression de calme royal, de puissance et d'éclat que les crêtes enneigées évoquent chez tous ceux qui sont capables de percevoir au moins un peu d'inspiration des forces du monde transphysique à travers la beauté. L’Orliontane contemplée par la vision spirituelle, c’est les sommets des montagnes dans leur gloire spirituelle. Quant aux pics perçus par nos yeux physiques, ce ne sont rien de plus que les fruits de l'existence puissante et créative, qui traverse des millions d'années, de ces créatures – des élémentaux de l'Orliontane. Lorsque l'âme humaine, portant en elle les conséquences d'un long séjour dans l'incrédulité, se retire dans l’Olirne au milieu de ses montagnes translucides, c'est la contemplation de la couche d'Orliontane qui l’aide à éliminer les dernières traces d'isolement aveugle et de stagnation et qui habitue l'âme humaine à accepter la grandeur spirituelle et le concept multicouche de l'Univers.
Mais, contrairement à l’Orliontane, la plupart des couches des élémentaux sont locales, c'est-à-dire que leur espace n'a pas d'étendue cosmique. Plus précisément, il n’atteint même pas les limites du système solaire, ce qui n’est pas le cas pour les mondes des chrastres. Voilà pourquoi, il n'y a pas de ciel dans la plupart de ces couches. Les mondes des élémentaux ressemblent à des oasis entre lesquels il y a un désert. Ils sont délimités les uns des autres, comme les chrastres, par des différences dans le nombre de coordonnées temporelles.
Les élémentaux sont les monades qui parcourent leur chemin de formation dans Chadanakar principalement à travers les règnes de la Nature. Il ne faut pas oublier pour autant que l'humanité, elle aussi, fait parti d’un règne de la Nature. Les forces spontanées, précisément spontanées, qui bouillonnent en elle et sans lesquelles son existence est impensable, expriment, bien que partiellement, cet aspect de sa nature. Il n'est donc pas étonnant qu'il existe également de tels élémentaux qui sont associés non pas à la nature dans le sens général, mais à l'humanité, à son aspect inné de spontanéité.
Parmi les élémentaux, il y a beaucoup de "Moi" spirituels de nature lumineuse ou de démoniaque, il y a aussi de tels groupes intermédiaires, dont l'essence a été temporairement obscurcie au cours de leur développement. Mais ils ont tous une chose en commun : à part eux, il n’existe aucune autre créature dont le chemin était lié aussi étroitement aux règnes de la Nature. Ce qui ne signifie pourtant pas qu’une monade d’élémental, sur un des segments de son chemin, ne puisse accepter l'incarnation dans la chair d'un humain, d'un daïmôn ou d'un ange. Si, elle le peut tout à fait. Tout comme certaines monades humaines qui, dans des temps immémoriaux, commencèrent à se créer des formes à partir de matérialités plus denses dans la sakouale des élémentaux ou dans celle des anges. Mais pour elles, c'était une étape d’assez courte durée. Tout aussi courtes pour certains élémentaux sont leur incarnations sous une forme humaine ou toute autre.
Hormis le règne animal et le monde des arbres, les élémentaux prennent leur forme la plus dense, leur véritable incarnation dans les sakouales aux noms attribués. Les éléments de la nature dans Enrof sont l'eau, l'air, la terre, la végétation, les couches minérales, les magmas et, enfin, cette "force vitale", aroungvilte-prana, dont la présence est une condition indispensable à toute vie organique d’Enrof. Tout cela, pour la plupart, n'est pas la chair des élémentaux, mais plutôt le cercle concentrique extérieur de leur existence, traversé par eux, mû et transformé par eux – c’est l'arène et le matériau pour leur travail créatif, pour exprimer leur joie et leur colère, pour mener leur lutte, leur jeu et leur amour. Quant à la chair propre des élémentaux, pour la plupart, elle a un caractère fluide : les limites de leur forme sont impermanentes et capables de s'interpénétrer. Cependant, ce n'est pas la règle absolue, et chacun de ces cas sera stipulé.
Je commence par les élémentaux de nature démoniaque uniquement parce que c’est par cette nature même qu’ils jouxtent les couches de l'infraphysique, dont le panorama, Dieu merci, nous allons quitter. Ensuite, après avoir touché un mot sur le groupe intermédiaire, il sera possible, le cœur léger, de mettre fin à la description des couches affligeantes ou obscurcies et de terminer l’exposition de cette bramphature, ayant décrit les couches des élémentaux de la lumière, avec les mondes suprêmes qui brillent spirituellement dans leur hauteur inaccessible, dans le saint des saints de Chadanakar.