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Livre Un

LA ROSE DU MONDE
ET SA PLACE DANS L’HISTOIRE

En attendant la traduction du Livre 1, 
je vous invite à visiter
ce lien où mon amie Natalia Mihailovic
l'a déjà adapté pour un lecteur francophone.

Livre I. Chapitre 1. LA ROSE DU MONDE ET SES OBJECTIFS IMMEDIATS

          Ce livre fut commencé, lorsque le risque d’un désastre invraisemblable déjà pesait au-dessus de l’humanité ; lorsque la génération, qui avait à peine commencé à se remettre des chocs de la seconde guerre mondiale, distinguait, avec effroi, une ombre étrange tourbillonner et s’épaissir à l’horizon – un signe avant-coureur d’une catastrophe d’autant plus désastreuse, d’une guerre d’autant plus dévastatrice. Je commençais ce livre pendant les années les plus sombres de la tyrannie qui régnait au-dessus des deux cents millions de personnes. Je le commençais en prison connue comme un isolant politique. Je l’écrivais en cachette. Je dissimulais le manuscrit, et les forces du bien – les personnes ou les choses – le protégeaient pendant les perquisitions. Et chaque jour j’avais peur que le manuscrit serait enlevé et détruit, tout comme mon œuvre précédent qui m’avait pris dix ans de ma vie et qui m’avait amené dans l’isolant politique.
          Le livre La Rose du Monde s’achève quelques années plus tard, lorsque le danger de la troisième guerre mondiale ne se lève plus au-dessus de l’horizon, comme des nuages brumeux, mais s’étend déjà au-dessus de nos têtes, ayant couvert le zénith, et descend rapidement dégoulinant sur tous les côtés du ciel.
          Mais peut-être que tout s’arrangera ? – Cet espoir se fait bercer dans le cœur de chacun de nous, et sans cet espoir, il serait impossible de continuer. Les uns d’entre nous essaient de le consolider par des arguments logiques et par des actions dynamiques. Certains arrivent à se convaincre que le danger est exagéré. D’autres complètement refusent d’y penser, étant submergés dans les soucis de leur petit quotidien et ayant décidé une fois pour toutes : il arrivera ce qui arrivera. Il y en a ceux qui ont une étincelle évanouissante de l’espoir, et qui vivent, se déplacent et travaillent par inertie.
          Je termine le manuscrit de La Rose du Monde en liberté, dans un jardin doré d’automne. Celui, qui accablait le pays par son joug, récolte déjà dans d’autres mondes les fruits de ce qu’il avait semé dans celui-ci. Et néanmoins, je dissimule les dernières pages de mon manuscrit tout à fait comme les premières, et je n’ose pas consacrer aucune âme vivante à leur contenu, et comme avant, je ne suis pas sûr que le livre ne soit pas détruit, et que l’expérience spirituelle dont il est imprégné soit transmise au moins à une seule personne.
          Mais peut-être que tout s’arrangera, la tyrannie ne reviendra plus jamais ? Peut-être que l’humanité conservera à jamais le souvenir de l’expérience effrayante du passé de la Russie ? – Cet espoir se fait bercer dans le cœur de toute personne, et sans cet espoir, il serait insupportable de continuer.
          Cependant, j’appartiens à ceux qui sont blessés à mort par deux grands désastres : les guerres mondiales et la tyrannie unipersonnelle. Les gens comme moi ne croient pas que les racines des guerres et des tyrannies sont déjà exterminées dans l’humanité ou le seront prochainement. Il est possible que le danger d’une tyrannie ou d’une guerre soit écartée, mais quelque temps après, ce sera le risque de nouveaux autres qui y apparaîtra. Pour nous, ces deux désastres ont été une sorte d’apocalypses – les révélations sur la puissance des forces du Mal et leur lutte perpétuelle contre les forces de la Lumière. Les gens d’autres époques sûrement ne nous comprendraient pas ; notre angoisse leur semblerait exorbitante, notre vision du monde – morbide. Mais elle n’est pas exorbitante, cette vision des tendances historiques, qui a été gravée dans un être humain par un demi-siècle de contemplation et de participation dans des événements et des processus d’une ampleur sans précédent. Et il ne peut pas être morbide, le bilan qui s’est construit dans l’âme humaine comme un reflet de ses côtés les plus lumineux et les plus profonds.
          Je suis gravement malade, les années de ma vie sont comptées. Si le manuscrit sera détruit ou perdu, je n’aurai plus le temps de le rétablir. Mais si un jour il parviendra à quelques personnes seulement, dont la soif spirituelle les fera lire cet œuvre jusqu’au bout malgré toutes ses difficultés, – alors les idées qu’il intègre ne pourront que devenir les germes, donnant naissance aux petites pousses dans leurs cœurs. 
          Que ce soit avant la troisième guerre mondiale ou après, ou la troisième guerre ne sera pas du tout déclenchée dans les années à venir – ce livre ne périra pas de toute façon, si au moins une paire d’yeux amicaux parcourra ses pages chapitre par chapitre. Parce que les questions, auxquelles il essaie de répondre, vont préoccuper les gens même dans l’avenir lointain.
          Ces questions ne sont pas limitées à la problématique de la guerre et de la structure gouvernementale. Mais rien n’ébranlera ma conviction que les dangers les plus redoutables qui menacent l’humanité aujourd’hui et vont menacer encore pendant des siècles – ce sont la grande guerre suicidaire et la tyrannie mondiale absolue. Il est possible que l’humanité surmonte la troisième guerre mondiale ou, à la rigueur, elle y survivra, comme c’est passé dans les deux précédentes. Il se peut, qu’elle supportera la tyrannie de toute manière plus vaste et plus impitoyable que celle que nous avons subie. Aussi, il peut arriver que dans cent ou deux cents ans, il y aura de nouveaux dangers pour les peuples, pas moins catastrophiques qu’une tyrannie ou une grande guerre, mais différents. C’est possible. C’est probable. Mais aucun effort de l’esprit, aucune imagination ou intuition n’est capable de dessiner les dangers du futur qui n’auraient pas un moindre rapport à l’un des deux principaux : le danger de la destruction physique de l’humanité suite à une guerre et celui de sa mort spirituelle suite à la tyrannie mondiale absolue.
          Ce livre est orienté avant tout contre ces deux maux. Les deux maux fondamentaux, primordiaux. Il est orienté contre eux non pas en tant qu’un pamphlet ou une satire révélatrice, et non pas comme un sermon. La satire la plus épineuse et le sermon le plus ardent sont stériles, si leur seule fonction est de blâmer le mal et de montrer que le bien est décent et le mal est vilain. Ils sont infructueux, s’ils ne reposent pas sur la connaissance des bases d’un tel regard sur le monde, d’un tel enseignement universel et d’un tel programme agissant, qui, se propageant d’un esprit à l’autre, pourraient être capables d’écarter de l’humanité ces deux dangers cruciaux. Partager mon expérience avec d’autres personnes, entrouvrir l’image des perspectives historiques et métahistoriques, la série embranchée de dilemmes qui se posent devant nous ou qui devront surgir, le panorama des mondes à matière variée, étroitement liés avec nous dans le bien et dans le mal – voici le but de ma vie. J’ai cherché et je cherche toujours à le réaliser sous la forme d’art verbal, de la fiction en prose et de la poésie, mais les particularités de cet art ne me permettaient pas d’exposer tout le concept avec une ampleur appropriée, de l’exprimer de façon accomplie, claire et accessible au public. Développer ce concept de cette façon particulière, éclaircir comment lui, qui traite le surnaturel, cache en même temps la clé des processus historiques d’aujourd’hui et du destin de chacun de nous – voici l’objectif de ce livre. Livre, qui devra, si le Seigneur le préservera de la perte, s’enfoncer, comme l’une des multiples briques, dans le fondement de la Rose du Monde et dans la base de la Fraternité universelle tout-humaine.
          Il existe une institution, qui prétend depuis des siècles d’être le seul et unique organisme à réunir les gens, à leur éviter tout risque de la guerre tous contre tous, du danger de tomber dans le chaos. Cette institution – c’est l’Etat. Depuis la fin du régime tribal et à chaque étape de l’histoire, l’Etat était un besoin important. Même les hiérocraties[1] qui tentaient à le remplacer par le pouvoir religieux, finissaient toujours par devenir une espèce de l’Etat. L’Etat scellait et cimentait la société par le principe de violence, et le niveau du développement moral, nécessaire pour sceller la société par un principe autre que la violence, n’a pas encore été atteint. Bien évidemment, il n’est pas atteint même de nos jours. Jusqu’à présent, l’Etat reste le seul moyen éprouvé et testé contre le chaos social. Mais il s’avère qu’il existe dans l’humanité les éléments éthiques d’un niveau supérieur, capables non seulement maintenir, mais aussi perfectionner l’harmonie sociale : et, ce qui est d’autant plus important, il se dessine les voies du développement accéléré de ces éléments.
          Dans l’histoire politique des temps modernes, il se distingue facilement deux tendances générales, opposées l’une à l’autre.
          La première cherche à surdévelopper le principe de l’Etat comme tel, à consolider la dépendance personnelle totale de l’Etat ou, plutôt, de l’institution qui détient le dispositif du gouvernement : la partie, l’armée ou le leader. Les Etats du type fasciste ou national-socialiste sont les meilleurs exemples des phénomènes de ce genre.
          Un autre flux de phénomènes qui débute au XVIII siècle, ou même plus tôt, – c’est un flux à l’orientation humaniste. Ses origines et ses étapes principales sont le parlementarisme anglais, la Déclaration française des droits de l’homme, la social-démocratie allemande, enfin, la lutte de libération contre le colonialisme. L’objectif lointain de ce flux d’événements est de diminuer la violence agglomérante dans la vie des peuples et de transformer l’Etat d’une machine policière par excellence, qui défend la supériorité nationale ou celle d’une classe, en un dispositif de l’équilibre économique générale et de la protection des droits individuels. La réalité historique dispose d’autres modèles atypiques pouvant paraître comme des hybrides. Au fond, appartenant aux phénomènes du premier type, ils modifient leur apparence dans la mesure, où cela justifie leurs fins. Ce n’est qu’une stratégie, un déguisement, pas plus.
          Cependant, malgré la polarité de ces flux de phénomènes, il y un trait le plus caractéristique du XX siècle qui les unit : c’est le désir de mondialisation. La prétention affichée des mouvements différents de  notre époque est dans leurs programmes constructifs des systèmes du fonctionnement du peuple ; mais la prétention interne des temps modernes est dans le désir inconscient d’être mondial.
          Le mouvement le plus puissant de la première moitié de notre siècle
[2] était remarquable par son côté international de sa doctrine et par son ampleur planétaire. Le talon d’Achille des mouvements contrastés à lui – du racisme et du national-socialisme – était leur côté nationaliste très étroite, c’est-à-dire, les limites raciales ou nationales des zones bénies, dont la chimère était utilisée afin de charmer et de séduire. Mais la domination mondiale, ils la recherchaient, aussi, et ils y mettaient les dépenses colossales. Aujourd’hui, l’américanisme cosmopolite est préoccupé par le problème comment éviter les erreurs de ses prédécesseurs.  
          Ce présage du temps, sur quoi indique-t-il ? N’indique-t-il pas sur le fait que la globalité, cessant d’être idée abstraite, est devenue un besoin général ? N’indique-t-il pas sur le fait que le monde est devenu petit et indivisible comme jamais ? Enfin, n’indique-t-il pas sur le fait que la résolution de tous les problèmes urgents ne peut être efficace et durable qu’à condition si elle se réalise à l’échelle mondiale ?
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[1] Le terme « hiérocratie » est formé à partir de deux mots – hiérarchie, qui signifie la Hiérarchie de la Lumière, et cratos (du grec) : « le pouvoir ». Le terme est proposé par Max Weber, il désigne spécifiquement le gouvernement des religieux. – N. d. T.
[2]  Il s’agit bien du XX siècle et du mouvement du communisme. – N. d. T.



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