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          Souvent, les Forces de la Lumière sont obligées de descendre dans la Gachcharve. Ces descentes sont pénibles, mais elles sont causées par la nécessité : cela est imposé par les circonstances de la lutte avec les armées de Gagtoungre. Les habitants de la Gachcharve voient leurs ennemis pénétrer ici, mais ils sont impuissants à empêcher leur infiltration.
          La Base démoniaque comprend encore un autre monde : celui dont l'espace et le temps sont unidimensionnels. C'est le Fond de Chadanakar, un endroit de souffrances de chèltes démoniaques et de peu d’humains – porteurs de missions sombres.
          Le Fond a surgi au tout début de l'existence de notre bramphature suite aux efforts de Gagtoungre et de forces obscures encore plus puissantes que lui. Cette matérialité est la plus dense de toutes existantes. Dans une certaine mesure, elle peut être comparée à la matérialité d'Enrof, mais uniquement celle qui se trouve dans les intérieurs des étoiles ou des corps monstrueux de notre Galaxie, comme des «naines blanches». Il est difficile d'imaginer comment le mouvement peut encore s’effectuer dans de telles conditions. Cependant, il existe, et il est méga-douloureux pour un être conscient qui se trouve au Fond de Chadanakar. Le mouvement est nécessaire pour maintenir les forces vitales, sinon la créature sera entraînée dans une sorte de gouffre conduisant à des endroits encore plus malheureux : au Fond de la Galaxie.
          Tout cela permet de comprendre définitivement que l’idée d'«incarnation» est relative. Les démons incarnés dans la Gachcharve ou dans d'autres couches à trois et même quatre dimensions, après la mort tombent dans le Fond, où un nouveau corps les attend, le plus dense qui peut seulement exister. Telle est la loi du karma qui tourne l’autre bout de son tranchant contre ses propres démons. Le rayonnement de leurs souffrances dans le Fond compense la perte de vitalité à Gagtoungre même. S’opposer à la loi du karma ? Mais lors de leurs incarnations dans d’autres couches, cette loi leur permet de restaurer les forces. Se rebeller contre elle signifie rejeter le gavvakh comme nourriture, cela signifie résister à tout le camp démoniaque, à tout l'anti-cosmos – enfin, ça veut dire cesser d'être démon.
          Chaque bramphature de notre Galaxie possède un Fond similaire, sauf celles qui sont libres de forces démoniaques ; par conséquent, il y a des millions de ce type de «fonds» dans la Galaxie. Et tout, comme les plans cosmiques bidimensionnels de nombreux anti-cosmos ou de gachcharves se croisent en une ligne commune, de même, toutes les lignes cosmiques des fonds galactiques se croisent en un seul point d’intersection. Ce point se trouve dans le système stellaire d'Antarès. Ce n'est pas un hasard si cette étoile, autrement appelée le Cœur du Scorpion, a servi dans de nombreux mythologèmes de l'Antiquité et du Moyen Âge comme la personnification de forces sinistres, voire diaboliques. L'énorme système planétaire de cette étoile est le foyer des hordes impies de la Galaxie, leur demeure dans le monde tridimensionnel ; c'est aussi la métabramphature titanesque des démons, l'anti-cosmos de notre Voie Lactée dans la mesure où cet anti-cosmos se manifeste en général dans Enrof. J'ai déjà dit que les bramphatures conquises par les démons ne peuvent pas durer, et la grande planète – le satellite de l'étoile Antarès, dont le mal influence aujourd’hui le Fond de Chadanakar, se dissipera bientôt. Mais il y en aura une autre qui prendra le relais. Quant à celle, qui avait cette fonction à l'époque de la création de Chadanakar, elle périt il y a des millions d'années. 

          Sous nos latitudes, l'étoile Antarès est visible à la fin du printemps et en été, bas au-dessus de l'horizon sud, et nombreux sont ceux qui se souviennent bien de la pulsation lumineuse de ses rayons rouge vin. Mais depuis du Fond de Chadanakar, on ne peut voir ni Soleil ni d'autres corps célestes – rien sauf l'Antarès immobile, dans laquelle rentre une extrémité du Fond. Depuis le Fond, elle apparaît infrarouge. Dans la direction opposée, l'espace de ce monde unidimensionnel s'éteint avec l'approche de la surface de la sphère terrestre. Dans ce sens-là, on ne voit rien. C'est ici que se cache le gouffre menant vers le Fond de la Galaxie privé du temps.
          Il nous est difficile d'imaginer un corps, le plus dense possible, en forme de quelque chose de plus simple et connu : quelque chose qui ressemble à une simple ligne noire. Il est encore plus difficile de comprendre que ces créatures conservent l'équivalent de la vue et même du toucher. Le plus incompréhensible est, je pense, de savoir comment en général peuvent-ils voir à travers un milieu aussi dense. À partir de cet environnement, ils reconstituent leur vitalité. Leur communication entre eux est possible, mais extrêmement limitée. Leur souffrance est indescriptible. 

          Non seulement le Fond, mais tous les mondes de la Base démoniaque apparurent, comme je l'ai déjà dit, pendant le refroidissement du corps physique de la Terre. Avant l'apparition de la vie organique dans Enrof, les activités de Gagtoungre avaient tendance à créer une couche d'habitat pour les forces démoniaques à la surface de la terre. Lorsque cela échoua, il se mit à renforcer et à développer la Gachcharve et d'autres mondes liés aux couches inférieures de la croûte terrestre, des magmas et du noyau de la planète. Avec l’apparition de la vie organique dans Enrof, ses activités furent dirigées à la conquête du règne animal – cela fut en partie réussi - et vers l'alourdissement des lois des démiurges. Du fait de l'action égale de ces deux forces, les bases des lois de la Nature et du Karma, dans lesquels nous vivons, furent formées.
          Les religions sémitiques ont tendance à mettre la responsabilité de la cruauté des lois sur le Divin. C’est curieux, mais cette cruauté ne provoquait pas de protestation, ni n’a pas été tout simplement comprise, du moins la cruauté des lois du châtiment. Même les saints des métacultures chrétiennes acceptaient l'idée de la souffrance éternelle des pécheurs avec une sérénité inconcevable pour nous. L'absurdité du châtiment éternel pour un mal passager ne dérangeait pas leurs esprits, et leur conscience – on ne sait comment – était satisfaite du caractère irréversible de ces lois qui enlevaient tout espoir. Mais cet état d'esprit et de conscience avait disparu depuis longtemps. Et il nous semble blasphématoire de penser que cette Loi, telle qu'elle existe, a été créée par la volonté divine.
          Il est vrai que pas un seul cheveu ne tombera sans la volonté du Père Céleste, pas une seule feuille de l'arbre ne bougera. Mais cela ne doit pas être compris dans le sens où la Loi entière dans sa totalité est une manifestation de la Volonté de Dieu, mais dans le sens où la formation de chaque libre arbitre, représentée par l'Univers, est sanctionnée par Dieu. De la présence d'une multitude de volontés, surgit la possibilité de la chute de certaines d'entre elles. Suite à leur chute, vient leur lutte contre les forces de la Lumière et la création de l'anti-cosmos, opposé au Cosmos du Créateur.
          Dès le début de l'émergence de la vie organique dans Enrof, Gagtoungre et son camp mirent leurs pattes sur les lois de cette vie. Ils ne réussirent pas à changer les lois des couches intermédiaires de Chadanakar, mais de nombreux types et classes du règne animal et certaines couches d'élémentaux sont tombés sous leur domination – entièrement ou en partie. Voilà d'où vient la dualité de ce que nous appelons la nature : beauté, spiritualité, harmonie, sérénité – d'une part, la dévoration mutuelle générale des êtres vivants – d'autre part. N'est-il pas évident que les deux faces existent en même temps et sont réels ? Est-il possible qu'au moins une personne possédant une conscience et une intelligence, ose dire que son harmonie recouvre et supprime cette mer infinie de souffrances que cette nature même manifeste aux yeux honnêtes ? Et y a-t-il vraiment au moins une personne qui, malgré cette mer de souffrance si évidente, si incontestable, si incessamment assourdissante avec les gémissements et les cris des créatures vivantes, ne connaîtrait pas la nature comme inexplicable harmonie, existante malgré tout et comme beauté sans pareil ? Pourquoi est-il arrivé que cette fatale contradiction n'ait pas encore été comprise et résolue ? Est-ce parce que la pensée religieuse en Occident est emprisonnée, pendant plus de vingt siècles, par l'idée de la toute-puissance absolue de Dieu et par les préjugés qui en résultent sur l'unité de la Nature ? Est-ce parce que le monisme philosophique bien établi en Orient ne permet pas d’aborder l’interprétation de sa dualité ? 



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