Le prêtre vieux-croyant Nikita Poustosviat débattant avec le patriarche Joachim sur la question de la Foi en présence de la régente Sophie. Tableau de Vassili PEROV (1880), Galerie Tretiakov, Moscou.
Il est inapproprié ici d’entrer dans l’analyse des causes nombreuses et complexes de ce détriment, mais il est impossible de ne pas souligner son lien avec l’antihistoricisme de la conscience religieuse et du monde de sentiments religieux qui attire notre attention déjà chez les pères de l’église byzantine et la surprend carrément chez les représentants de l’orthodoxie russe, même chez les plus grands, dont la sainteté et l’expérience spirituelle suprême n’évoque aucun doute. L'antihistoricisme devient comme un canon obligatoire de la pensée religieuse. Il est instructif de rappeler les conflits non résolus entre l'antihistoricisme officiel de la vision du monde de l’église russe et le penchant irrationnel congénital pour la forme apocalyptique de cognition et pour la métahistoire dans les biographies spirituelles et créatives d'écrivains et de penseurs laïcs orthodoxes : Gogol, Khomyakov, Léontiev, Dostoïevski, Vladimir Soloviev, Sergei Boulgakov.
La consolation est que toucher à la métahistoire peut s’effectuer de manière complètement différente de celle qui est exposée ici. Ceci est démontré par l'élément de l'expérience métahistorique, qui peut souvent se trouver sous une énorme épaisseur d'antihistoricisme – qu’il soit apparent ou authentique. Ce sentiment est merveilleusement exprimé par Tutchev – lorsque la personne se sent participer à un certain mystère historique, à un processus créatif et à la lutte des grandes forces spirituelles – ou plutôt transphysiques – explicitement manifestées aux moments fatals de l'histoire, – Jeanne d'Arc serait-elle capable d’accomplir son exploit sans avoir ce sentiment ? Comment pourrait St. Serge de Radonège, qui était, pour le reste de sa quiétude, un véritable anachorète et un ascète, jouer un rôle aussi décisif, voire même guidant, dans les tempêtes politiques de son époque ? Sans ce sentiment, comment les plus signifiants des papes, siècle après siècle, pourraient-ils mettre en œuvre l’idée de la hiérocratie mondiale, et de Loyola – créer une organisation qui s’efforce consciemment de maîtriser le mécanisme de la formation historique de l’humanité ? Hegel, pourrait-il, sans ce sentiment, créer La philosophie de l'histoire avec le seul travail de l’esprit, et Goethe – la deuxième partie de Faust ? Aurait-il été possible l'auto-immolation des schismatiques, si le vent glacial d'une horreur métaphysique et eschatologique n'avait pas refroidi chez eux tout attachement à ce monde, qui était déjà tombé, à ce qu'il leur semblait, sous le pouvoir de l'antéchrist ? Un vague sentiment métahistorique, non éclairé par la contemplation et la réflexion, conduit souvent aux concepts déformés, aux actes chaotiques. Ne ressentons-nous pas une sorte de pathos métahistorique dans les tirades ampoulées des dirigeants de la Révolution française, dans les doctrines du socialisme utopique, dans le culte de l'Humanité d’Auguste Comte ou dans les appels au renouveau global par la destruction de toutes bases ? Ces appels prennent, dans la bouche de Bakounine, cette ombre qui fait penser aux exhortations passionnées des prophètes juifs, bien que l’orateur du XIXe siècle y met un nouveau sens, même opposé à la perception du monde des prophètes anciens. Nous pourrions poser encore des centaines de questions similaires. Les réponses infaillibles à ces questions aboutiront à deux conclusions importantes. Premièrement, il sera évident que le volume total des cultures occidentale et russe contient une couche sous-jacente d'expériences apocalyptiques cachées dans un nombre incalculable de phénomènes, qui sembleront même étrangers à cette couche au premier abord. Et deuxièmement – c’est que ce sentiment métahistorique, l’expérience métahistorique, inconsciente, vague, confuse et contradictoire, de temps à autre, alimente un processus créatif : artistique, religieux, social et même politique. En parlant de la méthode métahistorique de cognition, je me suis progressivement tourné vers la méthode transphysique : les voyages et les rencontres dont j’ai parlé appartiennent déjà aux domaines de la cognition transphysique. Après tout, j'ai déjà dit qu'on ne peut pas toujours classer proprement ces phénomènes ; cela n’aurait pas du tout été nécessaire si nous n’avions pas voulu clarifier une série de problèmes complexes et inexplorés.
Il se peut que certains lecteurs exprimeront leur surprise : pourquoi, au lieu du mot « spirituel », généralement employé, j'utilise si souvent le terme « transphysique » ? – Parce qu’utiliser le mot « spirituel », au sens propre, n’est approprié que concernant Dieu et les monades. Quant au terme « transphysique », il s'applique à tout ce qui a une matérialité différente de la nôtre, à tous les mondes qui existent dans des espaces avec un autre nombre de coordonnées et dans d'autres courants temporels. Sous « la transphysique » (au sens de l'objet de cognition), je comprends l’ensemble de ces mondes, quels que soient les processus qui s'y déroulent. Si de tels processus sont liés au développement de Chadanakar, ils forment la métahistoire ; s’ils sont liés au développement de l'Univers – ils forment la méta-évolution ; la cognition de la méta-évolution est la cognition œcuménique. Et si prendre le mot « transphysique » au sens de l’enseignement religieux, il désigne la doctrine de la structure de Chadanakar. Les objets de la cognition métahistorique sont liés à l'histoire et à la culture, ceux de la cognition transphysique – avec la nature de notre couche et d'autres couches de Chadanakar, et ceux de la cognition œcuménique – avec l'Univers. Ainsi, les phénomènes que j’ai appelés les voyages et les rencontres transphysiques, selon leur contenu, peuvent appartenir soit au type de la cognition métahistorique, soit à la cognition transphysique, ou bien œcuménique.
Après cette petite remarque, rien ne nous empêche de passer à l’examen des deux types restants de la cognition religieuse, mais, bien sûr, uniquement sous les formes que j’ai connues personnellement.