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          Avec toute la dissemblance des conditions entre les couches physiques du Jupiter ou du Neptune et celles de la Terre, il faut s’habituer à l’idée que beaucoup de planètes avec leurs satellites possèdent leurs propres bramphatures. Le Jupiter, même dans notre couche, dans Enrof, est habité par les êtres très intelligents, mais ils sont si différents de nous, et habitent dans les conditions si inconcevables pour nous, qu’aucune communication n’apparaît jamais entre nous sur le plan d’Enrof. Mais la communication existe dans les couches à cinq dimensions de nos deux bramphatures. L’élite du Jupiter et de ses satellites créa à l’intérieur de Chadanakar deux couches d’involtaitons, une couche fut créée par le Saturne et ses satellites, une autre – par l’Uranus et encore une – par le Neptune. Elles toutes forment la sakouale d’involtations planétaires.
          La place particulière est occupée par ces trois couches – l’Iora, l’Ahnos et le Guèbn : c’est la sakouale des involtations d’une planète métamorphosée Daïa qui n’est plus dans Enrof. Autrefois, cette planète tournait entre le Mars et le Jupiter. L’activité démiurgienne sur elle conduisit, il y a déjà très longtemps, au bannissement des forces démoniaques dans la bramphature opposante – celle de son satellite. La Daïa entama son troisième éon, c’est-à-dire, elle fut transmutée physiquement et elle disparut d’Enrof mondial. Quant à son satellite, il subit une décomposition catastrophique (les astéroïdes sont ses épaves), et des hordes démoniaques se dispersèrent dans l’espace cosmique. Lorsque notre instrumentaire scientifique sera assez fort pour observer les planètes d’autres systèmes astraux, nous serons des fois les témoins d’une disparition soudaine, durant seulement quelques heures, de certaines de ces planètes. Apparemment, les scientifiques vont construire une rangée d’hypothèses audacieuses pour expliquer ce phénomène avant d’admettre que c’est le même cas de figure qui arriva à l’époque à la Daïa.
          La sakouale des involtations solaires compte neuf couches.
          Et encore, il n’y a que des noms : le Raos, le Flermos, le Tramnos, le Guimnos, l’Areille, la Nigveille, la Trimoille, la Dérayne, le Yordis.
          Et quatre noms pour les couches des involtations du Centre de la Galaxie Astrafaér : le Grésoire, le Maléine, la Virouane, le Luvarne.
          Il y a un système, ou plutôt une bramphature, qui appartient partiellement aux sakouales des involtations, malgré qu’il fasse à présent partie de Chadanakar : de ses couches à cinq et à six dimensions. C’est la bramphature Lunaire.
          Je ne saurai dire quand exactement termina son évolution dans Enrof l’humanité lunarienne – les sélénites ; en tout cas, cela se produisit il y a fort longtemps, presqu’un million d’années auparavant. Mais le développent y progressait à un rythme beaucoup plus lent, alors que cela prit beaucoup moins de temps entre l’apparition de la vie organique sur la surface de la Lune et celle des êtres hautement développés, que le même processus sur notre planète. Globalement, l’idée que les mondes plus petits physiquement doivent absolument évoluer plus rapidement n’est pas toujours applicable à certaines périodes de la vie organique, et d’autant moins aux rythmes de développement des êtres intelligents. Mais l’intuition de Wells concernant l’apparence de ces êtres, décrits dans son roman fascinant, est frappante, surtout si prendre en compte le ton rationaliste et la planéité scientifique de sa pensée. Il devina aussi la ressemblance générale de leur apparence aux insectes, et la nature élastique et molle de leurs tissus physiques, et la capacité de leurs corps à modifier leur forme en fonction de leur activité, et le niveau avancé de leurs progrès technique, et même le fait qu’à la fin, ils utilisaient partiellement les entrailles de leur planète.
          La tragédie des sélénites est due à la victoire de Vogléa – le démon lunaire de nature féminine. On peut se demander comment, dans cette civilisation rationnelle, aurait pu se manifester l’activité de l’élément démoniaque de nature féminine ? Mais il existe une espèce particulière de rationalité, justement féminine, et non partout elle est exprimée aussi faiblement, comme dans notre humanité. Chez les sélénites, elle se manifesta avec une force singulière et affecta notamment leur technologie, qui, dans ses principes, était plus magique que celle des humains.
          Les étapes de la descente spirituelle et culturelle des sélénites se suivirent comme ceci : l’humanité des ténèbres – dégénérescence – la mort sous le poids des machines. Le manque aggravant de spiritualité conduisit au fait qu’en courant sauvages, les sélénites n’arrivaient plus à gérer leurs propres machines et périrent de faim et de froid. Ceci dit, le monde de Vogléa fait toujours partie de la bramphature Lunaire. Fort longtemps, il se trouvait dans une sorte de demi-isolement : en conflit avec les forces de la Lumière et en parti avec Gagtoungre. Mais dernièrement, entre lui et le démon planétaire de Chadanakar se dessine un compromis voire une alliance – pour consolider les forces afin d’expulser de Chadanakar les éléments de la Lumière. Une couche démoniaque de Chadanakar, le Douggour dont on reparlera, est étroitement liée aux émanations de Vogléa. Et désormais, cette démonesse bleu gris, trompeuse et engloutissante, elle rétablit une couche spécifique – l’enfer lunaire, où, en accord avec Gagtoungre, seront jetées les victimes du Douggour. Jusqu’à présent, certaines de ces victimes récoltaient un sort même plus terrible – le rejet de Chadanakar dans les vacuités de la Galaxie.
          En opposition au monde de Vogléa, demeurent trois autres couches de la sakouale Lunaire. Le Soldebis est visible sur la face de la Lune depuis les zatomis : c’est le monde d’habitation de l’ensemble des éclairés – de ceux qui, tragiquement, prirent du retard à leur époque. Leur dernière incarnation dans Enrof tomba sur la période de l’humanité des ténèbres lunaire et sur la dégénérescence. Toute la grande période ultérieure fut consacrée à leur correction et l’illumination progressive dans le Soldebis. Un autre monde – le Laal, c’est l’élite de la Lune. Il y a beaucoup de sélénites qui sont montés même plus haut – dans l’Elite de Chadanakar. Et, enfin, le troisième, le plus lumineux des mondes lunaires est le Tanite – la demeure de la déesse lunaire.
          Si nous pouvions, d’une analyse ingénieuse, décomposer en plusieurs brins ce que nous ressentons pendant les nuits de pleine lune, nous constaterons la présence des éléments suivants dans notre émotion. Le premier : le pressentiment de l’harmonie ; ce sont le Soldebis et le Laal qui agissent sur nous. Le deuxième : la nostalgie la plus subtile pour le monde supérieur, spirituel, c’est le Tanite qui nous appelle vers lui. Enfin, le troisième : l’attraction vers les tombées sexuelles ; c’est Vogléa qui nous tourmente et séduit. Elle a peur du Soleil, elle se retire toujours de son rayonnement sur la face non éclairée de la Lune. Pendant la pleine lune, ce ne sont que des faibles émanations de Vogléa qui nous atteignent – celles qui arrivent à traverser l’épaisseur du satellite terrestre. Mais lors de la lune décroissante, Vogléa se déplace avec l’obscurité sur la partie opposée à la Terre, voici pourquoi la récession lunaire et les nuits de la nouvelle lune pèsent sur le plan subconscient de beaucoup d’entre nous si douloureusement, tristement et lourdement.
          L’exposition de la structure de Chadanakar atteint, enfin, cette sakouale grandiose que je suis obligé de désigner par les définitions terriblement encombrantes, comme les mondes de ce que l’on pourrait appeler les Aspects Sublimes de religions suprêmes – ce sont leurs transmythes les plus purs.
          Il y a longtemps, bien avant la guerre Patriotique
[1], lorsque j’étais encore très jeune, une belle image peu claire et implacablement constante m’était apparue : une pyramide de cristal bleutée, visible depuis une distance infinie, à travers laquelle rayonnait le soleil. Je sentais une grande importance de cette image, ainsi que les vagues de grâce, de force et de beauté déversées par ce point lumineux, mais je n’arrivais pas à en saisir le sens. Plus tard, je pensais même que c’était un reflet de la Salvaterre Mondiale réfracté par ma conscience limitée d’un humain. Quelle naïveté ! Celui dont l’âme est touchée d’un trait de lumière de la Salvaterre Mondiale, devient homme saint et prophète. Et, certes, son reflet est dépourvu de toute ressemblance avec tout ce qui est terrestre.
          Seulement beaucoup d’années plus tard – en réalité, il n’y a pas longtemps – j’ai réalisé que cette pyramide n’était pas unique, qu’elle était comme accordée avec d’autres : il y en a cinq en tout ; quant à la sixième, elle n’apparaîtra jamais dans Chadanakar. Mais la bleue, en effet, était unique : les autres étaient de couleurs différentes, et il est impossible de dire laquelle d’entre elles était la plus belle. Oh, bien sûr, les transmythes sont transcendants pour nous « en eux-mêmes » ; il est possible qu’ils n’aient aucune similitude avec aucune des formes géométriques. Mais ils ont touché ma conscience en tant que gigantesques pyramides en cristal, et apparemment, ce sont les formes qui notamment portent un sens profond.
          Plus tard, une autre chose m’a troublé : le fait que l’une des pyramides, plus petite de taille, mais d’une blancheur étonnante, surnaturelle, était un transmythe sublime d’une religion que je n’aurais jamais qualifiée de mondiale ou suprême. C’était le transmythe du Zoroastrisme. Ma confusion à ce sujet n’est toujours pas dissipée. Je ne peux toujours pas admettre comment cette religion locale, déjà éteinte dans l’histoire d’Enrof, et qui, semblerait-il, n’est pas si riche en mythologie, puisse être le reflet d’une réalité si colossale et confessée uniquement par elle-même. Ce monde s’appelle Azur.
          Une autre pyramide, relativement petite également, mais dorée, me paraît plus cohérente. C’est l’Aspect Sublime du Judaïsme – celui qui laisse très loin derrière lui l’intransigeance antichrétienne de son double terrestre, terne et boueux. C’est ce monde doré à la gloire céleste qui transparait dans les visions de grands mystiques de la Kabbale, dans les révélations des prophètes, et pour lequel le filage laborieux du Talmud est comme de la poussière des vallées pour les maîtres des hauts de montagnes. Le nom de la pyramide dorée est .
          La pyramide titanesque, dont la couleur ressemble à notre violet, est l’Aspect Sublime du transmythe Hindou. Ce monde complexe s’exfolie, et une de ses couches extérieures est le but ultime du Vedanta et du Yoga, la couche suprême du Synclite de l’Inde, l’allusion à laquelle on pourrait trouver dans la philosophie indienne sous le nom de Niruddha. Au sujet d’une autre couche, l’Eroille, et encore une, dont le nom je n’ai pas le droit de prononcer, je peux dire seulement que même si dans ces couches-là se trouvent ceux qui étaient les humains auparavant, ils sont plutôt les invités ici. La dernière couche de la pyramide violette est la Chatrittva, c’est le lieu d’habitation de nombreuses hiérarchies du Panthéon hindou. Mais parler à une correspondance exacte des figures de ce panthéon avec les hiérarchies du transmythe n’est possible qu’en partie, dans certains cas. Par exemple, sous le même nom de Kali-Durgi, on vénère dans Enrof les instances des hauteurs et des proportions complètement différentes concernant la hiérarchie cosmique : de « l’Aphrodite prolétaire » de l’Inde à la Sainte Vierge d l’Univers.
          Non moins grande est la pyramide verte – c’est le monde de l’Aspect Sublime du Bouddhisme consistant de deux couches. Il existe une fausse croyance que le bouddhisme, au moins celui du Sud, est athéiste. En réalité, aux plus hauts niveaux de la Hinayana, ainsi qu’aux ceux du jaïnisme, il n’y a aucun athéisme. Mais à partir de Gautama et Mahâvîra, les penseurs et les prédicateurs croyaient que pour les masses, il valait mieux d’insister l’insignifiance de la question Dieu en termes de salut spirituel, afin d’éviter de transmettre les devoirs personnels sur Dieu. Et comment ceux dont la Nirvana est la première des deux couches de la grande pyramide verte  auraient-ils pu prendre l’idée de Dieu? Quant à la seconde, elle appartient aux dhyânas-bodhisattvas : les hiérarchies qui guident les humains des métacultures bouddhistes. Il faut considérer avec le plus grand sérieux l’affirmation des pasteurs spirituels tibétains que la plupart des dalaï-lamas sont les réincarnations du dhyâna-bodhisattva Avalokitésvara. Prendre cette affirmation au pied de la lettre voudrait dire que la clarté de notre conscience n’a pas encore dépassé la lucidité que l’on atteint au sein de certaines confessions ; mais si nous avons réalisé que la thèse de la réincarnation d’Avalokitésvara dans la succession des dalaï-lamas est une forme d’illusion adaptée au niveau de compréhension populaire sur l’inspiration de la plupart des dalaï-lamas par cette grande hiérarchie, nous ne serions pas loin de la vérité. L’avant-dernier des dalaï-lamas tibétains n’était pas vraiment inspiré, et le dirigeant actuel n’est qu’un substitut, d’où vient son comportement.
          Quant à la pyramide bleue, qui me magnétise depuis vingt ans, elle présente le Jérusalem Céleste, le transmythe sublime du Christianisme. C’est ce qui se trouve derrière les assertions de la doctrine chrétienne qui sont communes pour les catholiques, et pour les orthodoxes, et pour les luthériens, et pour les abyssins, et pour les futurs successeurs de la Rose du Monde. « Les assertions », ai-je dit, mais ce n’est pas précis ; parce que ce qui est commun pour tous, uniforme pour tous est à peine possible d’exprimer en formules verbales. Le Jérusalem Céleste est la couche supérieure des synclites des métacultures chrétiennes ; et tout de même, ce n’est pas encore l’Eglise. L’Eglise – c’est les mondes suprêmes de Chadanakar. Et avant d’en approcher cet exposé, nous devrons revenir en arrière, profondément bas, dans le feu et l’obscurité, car sans la compréhension des sakouales démoniaques effrayantes et féroces dans leur puissance, il est aussi impossible d’approcher correctement par la pensée les couches supérieures de Chadanakar.   
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[1] Dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale (1939 – 1945), le conflit contre l’Allemagne nazie est appelé en URSS la Grande Guerre Patriotique (22 juin 1941 – 9 mai 1945) - N. d. T. 
 
Fin du livre 3
Traduit du russe par Marina HYJEK, août 2018



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