Lorsqu’on parle d'un système strictement coordonné d'images au sens profond idéologique qui déterminent l'attitude envers Enrof, envers les mondes transphysiques et spirituels de la part d'un supra-peuple, si l’on parle d'un système qui s'est moulé dans une certaine religion avec un rôle très important dans l'histoire de ce supra-peuple, mais qui ne s'est presque pas répandu au-delà – nous parlons des mythes religieux nationaux de certains supra-peuples. Tels sont les mythes égyptien, iranien antique, juif, germanique antique, gaulois, aztèque, inca, japonais et quelques autres.
Lorsque nous parlons du monde des images, qui sont tout aussi riches idéologiquement et aussi, peut-être, liées, même pas si étroitement, aux idées d'un ordre religieux et moral, mais non formées en un système harmonieux et reflétant un certain nombre de morales communes, vérités transphysiques, métahistoriques ou universelles en rapport avec les acquis et le devoir de cette culture – nous avons devant nous les mythes communs des supra-peuples. Tels sont les mythes : catholico-romain – du supra-peuple du sud-ouest, allemand-protestant – du supra-peuple du nord-ouest et celui du supra-peuple russe[1].En essayant de discerner le pays céleste de la métaculture du Nord-Ouest à travers les nuages tourbillonnants des arts, des croyances, des mythologies et des ordres nationaux, il ne faut jamais oublier que les supra-peuples, tant qu'ils existent dans Enrof, continuent toujours la création de leurs mythes. Ils changent les formes d'expression : de nouvelles personnes apparaissent sur la scène de l’histoire en tant qu’acteurs ; la tâche de la création de mythes se fait transmettre des créateurs anonymes du folklore et des rites aux penseurs et aux artistes, qui reçoivent des vagues d'amour populaire : et le mythe perdure. Il vit, s'approfondit, se remplit de nouveau contenu, révèle de nouvelles significations dans les anciens symboles et en introduit de nouveaux – en fonction du stade élevé du niveau culturel général des percepteurs – primo, et en fonction d’évolution métahistorique réelle du transmythe même – secundo.
Le pays céleste de la culture Nord-Occidentale nous apparaît sous la forme du Montsalvage, un sommet de montagne éternellement brillant, où les chevaliers vertueux, de siècle en siècle, gardent dans un bol le sang du Logos Incarné, recueilli par Joseph d'Arimathie à la croix et transféré au vagabond Titurel, le fondateur du Montsalvage. À distance du Montsalvage, s'élève un château fantomatique, créé par le sorcier Klingsor : c’est le foyer de forces apostâtes qui s'efforcent d'écraser le pouvoir de la fraternité – des gardiens de la plus puissante relique et du plus grand secret – avec une ténacité irrésistible. Ce sont les deux pôles du mythe commun du supra-peuple Nord-Occidental, dont les créateurs sont les auteurs sans nom des anciennes légendes celtiques, en passant par Wolfram von Eschenbach jusqu'à Richard Wagner. Présumer que le déploiement de cette image se termine par le Parsifal de Wagner n'est en aucun cas incontestable, mais peut-être même prématuré. Le transmythe du Montsalvage évolue et devient plus grandiose. Espérons que les penseurs et les poètes s'élèveront encore de l'épaisseur des peuples du Nord-Ouest, et qu’une illumination métahistorique leur permettra de saisir et de représenter le pays céleste du Montsalvage tel qu'il est aujourd'hui.
Il est évident que la plupart des plus grands personnages du mythe Nord-Occidental ne sont pas et ne peuvent pas être liées au Montsalvage directement. S'attendre à un lien absolument direct signifierait avoir une approche étroite et formelle, voire une confusion totale du mythe commun du supra-peuple et du mythe religieux-national.
En fin de compte, tout personnage créé par un grand écrivain, artiste, compositeur, qui continue sa vie dans la conscience et le subconscient de millions de personnes et qui devient la propriété intérieure de chacun qui perçoit ce personnage avec créativité – un tel personnage est mythique. Kriemhilde et Ophélia, Macbeth et Brandt, Esther de Rembrandt et Marguerite de Goethe, Egmont et M. Pickwick, Jean Christophe et Jolyon Forsyte sont tout aussi mythiques que Lohengrin et Parsifal. Mais quel est le rapport entre les personnages de fiction, entre les idées philosophiques et sociales de la culture Nord-Occidentale d'une part et les pôles du mythe Nord-Occidental – le Montsalvage et le château de Klingsor d'autre part ?
Les pôles de tout mythe d’un supra-peuple sont encerclés de mondes entiers de personnages, dont le lien avec le cœur du mythe n'est pas dans le fait qu’ils mènent l'intrigue, mais dans l’affinité interne avec le lecteur, dans la possibilité pour nous de concevoir ces personnages avec notre contemplation métahistorique au sein du mythe ou en dehors de lui.
Faust n'est certainement pas Merlin, Caïn de Byron n'est pas Klingsor, Peer Gynt n'est pas Amfortas, et il est tout simplement étrange, à première vue, de comparer Emmanuel Quint de Hauptmann avec Parsifal. Le personnage de Kundry, si significative au cœur du mythe, n'a probablement pas eu de parallèle d’égale valeur à sa périphérie. En revanche, nous ne trouverons aucun prototype de Hamlet ou de Lear, de Marguerite ou de Solveig au cœur du mythe Nord-Occidental, mais c’est leur regard qui y est dirigé. Une lueur rougeâtre peut être remarquée sur leurs vêtements – soit celle du Graal, soit celle des feux de la sorcellerie de Klingsor. Ces silhouettes colossales, s'élevant à degrés divers du réalisme artistique, à stades divers de l'illumination mystique, ressemblent à des statues gardiennes des escaliers qui montent vers ce sanctuaire où réside le plus grand mystère des peuples Nord-Occidentaux – un sanctuaire qui fait parvenir des vagues célestes de Providence et de bienveillance dans les pays saisis de ténèbres épaississantes.
Est-ce qu’on distingue les éclats du rayonnement de ce sanctuaire – ou ceux de l'autre pôle du même mythe, du château diabolique de Klingsor – seulement dans les légendes des Chevaliers de la Table Ronde ? Ou seulement dans les mystères de Bayreuth ? Si le Montsalvage cesse d'être pour nous une simple image poétique parmi d'autres, un simple conte de fées charmant ou un air de musique, et parvient à avoir son vrai sens – celui d'une réalité suprême – nous distinguerons son reflet sur les abbayes gothiques et sur les ensembles baroques, sur les toiles de Ruisdael et Dürer, dans les paysages du Rhin et du Danube, de la Bohême et de la Bretagne, dans les vitraux-rosaces derrière les autels des églises et dans le culte du luthéranisme sévèrement maigre. Ce reflet se manifestera pour nous dans les parcs profanes et sans âme du palais du Roi-Soleil, ainsi que dans les contours des villes s'élevant de l'autre côté de l'océan en forme de chaînes montagneuses des gratte-ciel. Nous le verrons dans les paroles des romantiques et dans les œuvres des grands dramaturges, dans la franc-maçonnerie et le jacobinisme, dans les systèmes de Fichte et de Hegel, voire dans les doctrines de Saint-Simon et de Fourier. Il faudrait un travail exceptionnel pour démontrer que le pouvoir de la science moderne, les merveilles de la technologie, ainsi que les idées du socialisme, voire du communisme, d'une part, et du nazisme, d'autre part, sont englobés par l’étendue du mythe sur le Montsalvage et le château de Klingsor. Rien, ni découvertes scientifiques de nos jours, ni la maîtrise de l'énergie atomique, ne retirent l'humanité Nord-Occidentale hors des limites tracées par le symbolisme prophétique de ce mythe. Je pense que celui qui aura lu ce livre saisira les corrélations qui demeurent encore non révélées.
J'ai parlé d'une des métacultures avec son mythe et son transmythe uniquement pour aider, en utilisant les images précises, à comprendre l'idée sur les pays célestes de l'humanité qui demeurent dans les couches éclairées sur les sommets des métacultures, et à réfléchir à leurs antipodes – aux citadelles des principes anti-Dieu qui créent activement leur anti-cosmos et qui combattent contre les forces de la Lumière dans tous les supra-peuples d'Enrof, dans toutes les couches et dans toutes les zones métaculturelles.
Mais l'échelle des couches de Chadanakar ne s'arrête pas à la fin des segments des métacultures : il y a encore des mondes ascendants à cinq et à six dimensions, qui ont également obtenu un vague reflet dans les mythes et les religions de l'humanité. En ce sens, le terme «transmythe» est également applicable à plusieurs de ces couches. Mais dans un sens plus étroit et plus élevé, le mot «transmythe» est appliqué à une sakouale particulière : c'est un système de mondes à cinq dimensions spatiales et à un grand nombre de coordonnées temporelles ; ce sont cinq grandioses pyramides magnifiques et transparentes, on dirait, illuminées de l'intérieur par un soleil, et qui dominent fermement Enrof. À leur hauteur, non seulement Enrof, mais même les pays célestes des métacultures semblent submergés dans l’obscurité. Ces mondes sont les aspects les plus élevés de trois (pas quatre!) grandes religions internationales et de deux religions, qui n'ont quasiment pas brisé leur isolement national pour un ensemble de raisons historiques, mais qui portent le reflet à la fois de leurs zatomis et de cette sakouale incomparablement plus élevée. Cette sakouale sera discutée en détail dans l'un des chapitres suivants.
Au préalable, je voudrais faire encore une remarque. Je pense que beaucoup de personnes qui lisent ce livre se posent la question : pourquoi tous les nouveaux mots et les noms qui désignent les pays du monde transphysique et les couches de Chadanakar, même les noms de presque toutes les hiérarchies, ne sont-ils pas russes ? C'est parce que la métaculture russe est l'une des plus jeunes : lorsque son Synclite était en train d’émerger, tout était déjà nommé. Très souvent, vous pouvez trouver que la prononciation de ces mots ressemble au sanscrit, au latin, au grec, à l'hébreu et à l'arabe, et parfois même à des langues plus anciennes qu'aucun philologue ne connaît encore. Inutile de dire que je ne les connais pas non plus ; ce n'est que par ces mots isolés que je juge leur étrange forme phonétique.
À présent, il me semble que tout ce, qui contribuerait à la compréhension d'autres passages du livre, est dit. Devant nous se trouvent quatre parties, presque entièrement consacrées à la description de la structure de Chadanakar – c’est une sorte de géographie transphysique. Ce n'est qu'après avoir fait une idée de l'arène et des participants au mystère métahistorique, au moins le plus approximatif, qu'il nous sera possible de passer aux parties consacrées carrément aux processus métahistoriques, notamment – à la métahistoire de La Russie et de sa culture, ainsi qu’à la métahistoire de notre époque. Ceci est lié aux objectifs, au programme spécifique de la Rose du Monde, à l’exposition des chemins historiques sur lesquels il sera possible l'unification de l'humanité en un seul organisme sans faire couler le sang, l'abondance générale, l'éducation des générations de type anobli, la transformation de la planète en jardin et l'état mondial en fraternité. D’ici, un pont sera jeté vers les derniers chapitres qui vont traiter : les prévisions historiques lointaines, le problème des cataclysmes finales de l'histoire mondiale et la transition inévitable, quoique catastrophique, d'Enrof vers une autre matérialité supérieure, une autre couche de l'existence. Les dernières pages seront consacrées aux perspectives cosmiques qui vont se manifester à cet égard.