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           Chaque supra-peuple possède son propre mythe. En aucun cas ce mythe ne se fait créer à l’aube de son histoire – bien au contraire. Et, puisque la notion traditionnelle du mot «mythe» ne coïncide pas avec le sens qui y est mis ici, je dois expliquer soigneusement quel concept j'ai mis dans ce mot. Lorsqu’on parle d'un système strictement coordonné d'images au sens profond idéologique qui incarnent une doctrine internationale globale et qui ont trouvé leur expression dans les légendes, les cultes, dans les théosophèmes et philosophèmes, dans la littérature antique et dans les arts visuels et, enfin, dans le code de la morale, on parle des mythes des grandes religions internationales. Il existe quatre mythes de ce type : hindouiste, bouddhiste, chrétien et mahométan.

Lorsqu’on parle d'un système strictement coordonné d'images au sens profond idéologique qui déterminent l'attitude envers Enrof, envers les mondes transphysiques et spirituels de la part d'un supra-peuple, si l’on parle d'un système qui s'est moulé dans une certaine religion avec un rôle très important dans l'histoire de ce supra-peuple, mais qui ne s'est presque pas répandu au-delà – nous parlons des mythes religieux nationaux de certains supra-peuples. Tels sont les mythes égyptien, iranien antique, juif, germanique antique, gaulois, aztèque, inca, japonais et quelques autres. 

        Lorsque nous parlons du monde des images, qui sont tout aussi riches idéologiquement et aussi, peut-être, liées, même pas si étroitement, aux idées d'un ordre religieux et moral, mais non formées en un système harmonieux et reflétant un certain nombre de morales communes, vérités transphysiques, métahistoriques ou universelles en rapport avec les acquis et le devoir de cette culture – nous avons devant nous les mythes communs des supra-peuples. Tels sont les mythes : catholico-romain – du supra-peuple du sud-ouest, allemand-protestant – du supra-peuple du nord-ouest et celui du supra-peuple russe[1].
          Et, enfin, le dernier, quatrième groupe –
les mythes nationaux communs : ce sont les mythes des ethnies isolées qui font partie d’un supra-peuple, mais à l'intérieur d'elles-mêmes, en plus du mythe commun du supra-peuple, elles créent leur propre variante privée, très locale, qui ne s’identifie à aucun système strict, ni religion. Comme exemples, on pourrait citer les mythes païens des tribus slaves, des tribus finnoises, des tribus turques, ainsi que les mythes de certaines tribus isolées et en retard de l'Inde. En fait, de très nombreuses formations ethniques possèdent leurs mythes nationaux à l’état embryonnaire, mais ces mythes acquièrent rarement une manifestation prononcée.
          Nous n'appliquerons le mot «mythe» à aucun autre phénomène de l'histoire culturelle.

          Ainsi, les trois derniers groupes de mythes concernent la spécificité des cultures individuelles. Quant au premier groupe – les mythes des religions internationales –, il est mystiquement associé (à l'exception d'un seul) aux couches de Chadanakar, qui se trouvent déjà au-delà de ses divisions segmentaires que l’on appelle métacultures.
          Il me semble que le concept de mythes nationaux-religieux est évident à comprendre. Par souci de clarté, les mythes communs des supra-peuples devraient avoir quelques définitions supplémentaires.
          La définition inductive.
          Le mythe commun du supra-peuple est l’ensemble de ses idées sur le cosmos transphysique, sur la participation de cette culture et de chaque «Moi»
[2] dans ce cosmos – des idées qui se forment par cette culture et se rangent dans les formes du cycle d'idées religieuses et philosophiques, du cycle d'images artistiques, du cycle de concepts sociales et éthiques, du cycle des institutions étatiques et politiques et, enfin, du cycle des normes nationales de vie réalisées dans le rite, dans le mode de vie quotidien, dans la coutume.
          La définition déductive.
Le mythe commun du supra-peuple est
la prise de conscience par ce supra-peuple, à travers ses représentants les plus créatifs, d'existence d’une certaine seconde réalité au-dessus de lui, dans laquelle il entre par une partie de son être et dans laquelle sont masquées la gestion de sa formation et les racines de son destin – c’est une prise de conscience obscurcie par des impuretés étrangères qui découlent de la nature humaine désordonnée.
          Cette seconde réalité, qui sert d'objet de cognition transphysique et métahistorique, artistique et philosophique, peut être désignée par le terme transmythe.

          Bien évidemment, la mesure de distinction entre le mythe et le transmythe peut être très variée. Les capacités limitées de personnes qui saisissent leur transmythe par l'intuition, les rêves, les inspirations artistiques, la contemplation religieuse, la révélation métahistorique ; les particularités nationales, historiques, sociales et personnelles des ces consciences et de la zone subconsciente, qui participe activement à ce processus ; l'impossibilité de trouver des analogies exactes en mots ou en images tridimensionnelles pour exprimer la réalité des mondes de l’au-delà – tout cela ne peut-il pas conduire à d'innombrables aberrations, à l’encombrement du mythe par tout ce qui est accidentel, inexact, anthropomorphique, primitivant, voire tout simplement infructueux ? Mais le mythe est dynamique, il évolue dans le temps, se développe, change de visage. Et ses phases terminales, en règle générale, sont plus près du transmythe, car au cours des siècles passés, les consciences réceptrices deviennent plus fines, plus riches, plus clairvoyantes, plus larges d’esprit.
          En attendant, le transmythe évolue, lui aussi. La réalité transcendantale déborde d’agitation bouillonnante, elle n’est jamais statique. Comme les villes fortifiées de l'époque mérovingienne diffèrent du Paris moderne, il en va de même pour les paysages, les structures et tout le contenu des transmythes au moment de leur émergence et ceux vers la fin de leur évolution métahistorique.
          Mais à tous les stades du développement du transmythe de supra-peuple, il se trouve, parallèlement au peuple d'Enrof qui le saisit, deux autres réalités, deux autres mondes, deux pôles de la sphère métaculturelle. Autour et entre eux, il y a d'autres couches, dont certaines ont apparu plus tard ou subi de changements radicaux, d’autres ont disparu. Seuls trois domaines sont inébranlables et durables : dans Enrof, c’est le supra-peuple, dans l'espace autre-dimensionnel au-dessus de lui – c’est la demeure de ses âmes éclairées, des villes sacrées, la terre céleste de sa métaculture, et en bas, dans les mondes d’ordre descendant, c’est l'antipôle de ce pays paradisiaque – une citadelle construite dans des mondes reliés à des couches profondes du corps physique de la planète. C'est un vivier des forces démoniaques de cette métaculture. Les pays célestes et tout ce qu'ils contiennent sont appelés les zatomis, et les citadelles souterraines – les chrastres.
          Généralement, entre ces deux pôles, ce sont les zatomis qui sont reflétés plus brillamment et plus explicitement dans les mythes. Les images de chrastres ne sont pas toujours exprimées sous une forme plus ou moins accomplie. Quant aux zatomis – la demeure des synclites des métacultures – on peut les retrouver dans les mythes d'absolument tous les supra-peuples et, de plus, dans les mythes religieux et communs. Telle est Éanna des Babyloniens : la ziggourat dans la ville d'Érech était, selon les Sumériens-Akkadiens, une sorte de cette montagne des dieux, d’Éanna du Ciel, et plus tard les Babyloniens virent une signification similaire dans le principal édifice religieux de leur grande cité – dans
le temple à sept étages de l'Esagil. Tel est l'Olympe des Gréco-Romains. Telle est la Sumera (Meru) des Indiens – l'Olympe hindou, sur les pentes duquel brillent les cités célestes des dieux de l'hindouisme. Il en va de même pour les images du Paradis – Eden dans les métacultures byzantines et catholiques, du Djannett – dans la métaculture arabo-musulmane, du Chan-Ti - dans la chinoise, du Montsalvage – dans celle du Nord-Ouest, du 
Kitège – dans la métaculture de la Russie.
La ville de Kitège
par le peintre Konstantine Gorbatov

En essayant de discerner le pays céleste de la métaculture du Nord-Ouest à travers les nuages tourbillonnants des arts, des croyances, des mythologies et des ordres nationaux, il ne faut jamais oublier que les supra-peuples, tant qu'ils existent dans Enrof, continuent toujours la création de leurs mythes. Ils changent les formes d'expression : de nouvelles personnes apparaissent sur la scène de l’histoire en tant qu’acteurs ; la tâche de la création de mythes se fait transmettre des créateurs anonymes du folklore et des rites aux penseurs et aux artistes, qui reçoivent des vagues d'amour populaire : et le mythe perdure. Il vit, s'approfondit, se remplit de nouveau contenu, révèle de nouvelles significations dans les anciens symboles et en introduit de nouveaux – en fonction du stade élevé du niveau culturel général des percepteurs – primo, et en fonction d’évolution métahistorique réelle du transmythe même – secundo.

Le pays céleste de la culture Nord-Occidentale nous apparaît sous la forme du Montsalvage, un sommet de montagne éternellement brillant, où les chevaliers vertueux, de siècle en siècle, gardent dans un bol le sang du Logos Incarné, recueilli par Joseph d'Arimathie à la croix et transféré au vagabond Titurel, le fondateur du Montsalvage. À distance du Montsalvage, s'élève un château fantomatique, créé par le sorcier Klingsor : c’est le foyer de forces apostâtes qui s'efforcent d'écraser le pouvoir de la fraternité – des gardiens de la plus puissante relique et du plus grand secret – avec une ténacité irrésistible. Ce sont les deux pôles du mythe commun du supra-peuple Nord-Occidental, dont les créateurs sont les auteurs sans nom des anciennes légendes celtiques, en passant par Wolfram von Eschenbach jusqu'à Richard Wagner. Présumer que le déploiement de cette image se termine par le Parsifal de Wagner n'est en aucun cas incontestable, mais peut-être même prématuré. Le transmythe du Montsalvage évolue et devient plus grandiose. Espérons que les penseurs et les poètes s'élèveront encore de l'épaisseur des peuples du Nord-Ouest, et qu’une illumination métahistorique leur permettra de saisir et de représenter le pays céleste du Montsalvage tel qu'il est aujourd'hui.

Il est évident que la plupart des plus grands personnages du mythe Nord-Occidental ne sont pas et ne peuvent pas être liées au Montsalvage directement. S'attendre à un lien absolument direct signifierait avoir une approche étroite et formelle, voire une confusion totale du mythe commun du supra-peuple et du mythe religieux-national.

En fin de compte, tout personnage créé par un grand écrivain, artiste, compositeur, qui continue sa vie dans la conscience et le subconscient de millions de personnes et qui devient la propriété intérieure de chacun qui perçoit ce personnage avec créativité – un tel personnage est mythique. Kriemhilde et Ophélia, Macbeth et Brandt, Esther de Rembrandt et Marguerite de Goethe, Egmont et M. Pickwick, Jean Christophe et Jolyon Forsyte sont tout aussi mythiques que Lohengrin et Parsifal. Mais quel est le rapport entre les personnages de fiction, entre les idées philosophiques et sociales de la culture Nord-Occidentale d'une part et les pôles du mythe Nord-Occidental – le Montsalvage et le château de Klingsor d'autre part ?

Les pôles de tout mythe d’un supra-peuple sont encerclés de mondes entiers de personnages, dont le lien avec le cœur du mythe n'est pas dans le fait qu’ils mènent l'intrigue, mais dans l’affinité interne avec le lecteur, dans la possibilité pour nous de concevoir ces personnages avec notre contemplation métahistorique au sein du mythe ou en dehors de lui.

Faust n'est certainement pas Merlin, Caïn de Byron n'est pas Klingsor, Peer Gynt n'est pas Amfortas, et il est tout simplement étrange, à première vue, de comparer Emmanuel Quint de Hauptmann avec Parsifal. Le personnage de Kundry, si significative au cœur du mythe, n'a probablement pas eu de parallèle d’égale valeur à sa périphérie. En revanche, nous ne trouverons aucun prototype de Hamlet ou de Lear, de Marguerite ou de Solveig au cœur du mythe Nord-Occidental, mais c’est leur regard qui y est dirigé. Une lueur rougeâtre peut être remarquée sur leurs vêtements – soit celle du Graal, soit celle des feux de la sorcellerie de Klingsor. Ces silhouettes colossales, s'élevant à degrés divers du réalisme artistique, à stades divers de l'illumination mystique, ressemblent à des statues gardiennes des escaliers qui montent vers ce sanctuaire où réside le plus grand mystère des peuples Nord-Occidentaux – un sanctuaire qui fait parvenir des vagues célestes de Providence et de bienveillance dans les pays saisis de ténèbres épaississantes.

Est-ce qu’on distingue les éclats du rayonnement de ce sanctuaire – ou ceux de l'autre pôle du même mythe, du château diabolique de Klingsor – seulement dans les légendes des Chevaliers de la Table Ronde ? Ou seulement dans les mystères de Bayreuth ? Si le Montsalvage cesse d'être pour nous une simple image poétique parmi d'autres, un simple conte de fées charmant ou un air de musique, et parvient à avoir son vrai sens – celui d'une réalité suprême – nous distinguerons son reflet sur les abbayes gothiques et sur les ensembles baroques, sur les toiles de Ruisdael et Dürer, dans les paysages du Rhin et du Danube, de la Bohême et de la Bretagne, dans les vitraux-rosaces derrière les autels des églises et dans le culte du luthéranisme sévèrement maigre. Ce reflet se manifestera pour nous dans les parcs profanes et sans âme du palais du Roi-Soleil, ainsi que dans les contours des villes s'élevant de l'autre côté de l'océan en forme de chaînes montagneuses des gratte-ciel. Nous le verrons dans les paroles des romantiques et dans les œuvres des grands dramaturges, dans la franc-maçonnerie et le jacobinisme, dans les systèmes de Fichte et de Hegel, voire dans les doctrines de Saint-Simon et de Fourier. Il faudrait un travail exceptionnel pour démontrer que le pouvoir de la science moderne, les merveilles de la technologie, ainsi que les idées du socialisme, voire du communisme, d'une part, et du nazisme, d'autre part, sont englobés par l’étendue du mythe sur le Montsalvage et le château de Klingsor. Rien, ni découvertes scientifiques de nos jours, ni la maîtrise de l'énergie atomique, ne retirent l'humanité Nord-Occidentale hors des limites tracées par le symbolisme prophétique de ce mythe. Je pense que celui qui aura lu ce livre saisira les corrélations qui demeurent encore non révélées.

J'ai parlé d'une des métacultures avec son mythe et son transmythe uniquement pour aider, en utilisant les images précises, à comprendre l'idée sur les pays célestes de l'humanité qui demeurent dans les couches éclairées sur les sommets des métacultures, et à réfléchir à leurs antipodes – aux citadelles des principes anti-Dieu qui créent activement leur anti-cosmos et qui combattent contre les forces de la Lumière dans tous les supra-peuples d'Enrof, dans toutes les couches et dans toutes les zones métaculturelles.

Mais l'échelle des couches de Chadanakar ne s'arrête pas à la fin des segments des métacultures : il y a encore des mondes ascendants à cinq et à six dimensions, qui ont également obtenu un vague reflet dans les mythes et les religions de l'humanité. En ce sens, le terme «transmythe» est également applicable à plusieurs de ces couches. Mais dans un sens plus étroit et plus élevé, le mot «transmythe» est appliqué à une sakouale particulière : c'est un système de mondes à cinq dimensions spatiales et à un grand nombre de coordonnées temporelles ; ce sont cinq grandioses pyramides magnifiques et transparentes, on dirait, illuminées de l'intérieur par un soleil, et qui dominent fermement Enrof. À leur hauteur, non seulement Enrof, mais même les pays célestes des métacultures semblent submergés dans l’obscurité. Ces mondes sont les aspects les plus élevés de trois (pas quatre!) grandes religions internationales et de deux religions, qui n'ont quasiment pas brisé leur isolement national pour un ensemble de raisons historiques, mais qui portent le reflet à la fois de leurs zatomis et de cette sakouale incomparablement plus élevée. Cette sakouale sera discutée en détail dans l'un des chapitres suivants.

Au préalable, je voudrais faire encore une remarque. Je pense que beaucoup de personnes qui lisent ce livre se posent la question : pourquoi tous les nouveaux mots et les noms qui désignent les pays du monde transphysique et les couches de Chadanakar, même les noms de presque toutes les hiérarchies, ne sont-ils pas russes ? C'est parce que la métaculture russe est l'une des plus jeunes : lorsque son Synclite était en train d’émerger, tout était déjà nommé. Très souvent, vous pouvez trouver que la prononciation de ces mots  ressemble au sanscrit, au latin, au grec, à l'hébreu et à l'arabe, et parfois même à des langues plus anciennes qu'aucun philologue ne connaît encore. Inutile de dire que je ne les connais pas non plus ; ce n'est que par ces mots isolés que je juge leur étrange forme phonétique.

À présent, il me semble que tout ce, qui contribuerait à la compréhension d'autres passages du livre, est dit. Devant nous se trouvent quatre parties, presque entièrement consacrées à la description de la structure de Chadanakar – c’est une sorte de géographie transphysique. Ce n'est qu'après avoir fait une idée de l'arène et des participants au mystère métahistorique, au moins le plus approximatif, qu'il nous sera possible de passer aux parties consacrées carrément aux processus métahistoriques, notamment – à la métahistoire de La Russie et de sa culture, ainsi qu’à la métahistoire de notre époque. Ceci est lié aux objectifs, au programme spécifique de la Rose du Monde, à l’exposition des chemins historiques sur lesquels il sera possible l'unification de l'humanité en un seul organisme sans faire couler le sang, l'abondance générale, l'éducation des générations de type anobli, la transformation de la planète en jardin et l'état mondial en fraternité. D’ici, un pont sera jeté vers les derniers chapitres qui vont traiter : les prévisions historiques lointaines, le problème des cataclysmes finales de l'histoire mondiale et la transition inévitable, quoique catastrophique, d'Enrof vers une autre matérialité supérieure, une autre couche de l'existence. Les dernières pages seront consacrées aux perspectives cosmiques qui vont se manifester à cet égard. 


[1] Dans certaines cultures, par exemple Gréco-romaine ou Babylonien-assyro-cananéenne, le développement des mythes déjà quitta le stade «commun», mais ne se développa en un système suffisamment strict pour pouvoir classer les mythes olympique et babylonien dans le groupe de mythes religieux nationaux de supra-peuples.
 
[2] En même temps, la prise de conscience de l’idée même de "cette culture" peut être aussi vague que, par exemple, chez les Gréco-Romains, avec leur opposition au reste de l'humanité en tant que barbares.
Fin du livre 2
Traduit du russe par Marina HYJEK, avril 2021



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